Du laid et du beau
Du laid. Cette dame fort charpentée À la tignasse blonde hirsute A des traits rudes et hantés ; Dans son regard lutte Contre multitude de démons. Un châle gris sans nom Va couvrant ses larges épaules, Une robe de laine à fleurs Tombant comme un saule Sur des mollets à faire peur. Lourde et très lente elle marche Traînant ses vieux godillots, Fait le tour du quartier et hache De propos faisant un halo Son sempiternel voyage. Du beau. Je vois votre visage entre les murs de briques, Vos blonds cheveux auréolés Couronne de boucles mythiques, Votre chignon échevelé. Et votre lumineux visage A la couleur d’ambre limpide Que vos yeux clairs dans ce paysage Inondent d’un sourire d’idylle Je vois votre corsage en coton blanc brodé Hypnotique et belle tendresse, J’en bois le lait comme l’idée Et c’est voluptueuse ivresse. Votre jupe serrée, ma couronne d’épine, A la couleur du bois d’ébène, Soulignant des jambes divines Elle fait de vous une vraie reine. Du laid et du beau. Vous voyant là sur l’avant-scène Vous n’êtes pas vraiment très belle, Ne mesurant pas votre peine Avez quelques mèches rebelles. Vous exprimant, vos fines mains Font un ballet accompagnant Avec un bon zeste d’humain L’explication de votre chant. Vous voyant là sur l’avant-scène Vous n’êtes pas vraiment très laide C’est que votre voix est vraie reine ; Un chant s’élève, n’êtes plus raide. Du plus profond de votre être Souffle anime votre paraître. La métamorphose du visage, Vous êtes si belle et sans âge.