Mon chant est un paysage
Ce n’est encore que bruissement, Source en son ruissellement, Une simple vibration, Frêle lumière entre brindilles, À peine légère tension Qu’à l’instant ma plume grappille. Puis au hasard des obstacles Se jette à droite, Se jette à gauche, En tourbillons s’emberlificote, Roucoule en gazouillis Et promptement glisse. D’entre les rocs prend vigueur, Déjà coule avec ardeur, Se heurte au dur métier, Noir à cette heure l’altier Lors éclate en étincelles Provoquant des arcs-en-ciel, Héroïque et conquérant. Puis c’est en cascade Que violent il chute. Assez de mascarade, Appel à la lutte Des mots et des cerveaux. Alors il rassemble ses eaux D’un grand geste en une vaste brassée. C’est un lac en ses rives embrassé. Le lac de la pensée pacifique et profond Dont aucun être humain ne peut toucher le fond. Puis s’écoulant en une rivière impétueuse Il draine avec lui de multiples affluents. Quand par la sécheresse au jour d’été se creuse, Lors aux premières pluies redevient efficient. De la femme de l’homme il ne fait le veuvage, Reflets en son miroir des plus vastes feuillages. Prenant son aise en large plaine il se fait fleuve Pour ces barges ventrues de la complexité. Chargé du limon des mots donne une idée neuve Accostant aux grands quais de nos vieilles cités, Traîne dans son courant un air plus frais qui souffle Ces vers que sous mon coude alors sans fin je camoufle. Lors en large estuaire puissamment se déploie, Multipliant les bras lance un défi aux îles Qu’il enserre violent quand ses courants font loi. Sous le soleil du soir ses escadrons défilent, Des oiseaux lancent un cri, ce cri que je reprends, Ce cri de liberté que l’existence apprend.